Comment la politique monétaire influence la chute des offres d’emploi malgré l’essor de ChatGPT
Depuis le lancement de ChatGPT par OpenAI en novembre 2022, un paradoxe économique saisissant s’est dessiné : les offres d’emploi aux États-Unis ont plongé d’environ 30 %, alors que les marchés boursiers, symbolisés par l’indice S&P 500, ont bondi de près de 70 %. Cette divergence alimente ce qu’on appelle désormais le “scariest chart in the world”. Mais ce tableau ne raconte pas une histoire aussi simple qu’une intelligence artificielle qui ravage l’emploi. Un économiste bien connu, relayé par le journaliste Derek Thompson, pointe du doigt les politiques monétaires et non l’IA comme cause première.
Le pic des offres d’emploi survenu en mars 2022, bien avant la sortie officielle de ChatGPT, coïncide en effet avec le début de la série d’augmentations des taux d’intérêt initiée par la Banque centrale américaine, la Federal Reserve. Cette dernière a alors engagé une campagne agressive visant à freiner l’inflation galopante en rendant le coût de l’emprunt beaucoup plus élevé. Résultat : moins de prêts contractés, moins d’investissements, et un coup d’arrêt net à la croissance d’emplois.
Les secteurs les plus touchés par cette contraction ? Ceux qui dépendent lourdement du financement, notamment la construction, la fabrication et l’extraction d’énergie. Leurs offres d’emploi se sont effondrées, non pas principalement à cause de robots ou d’algorithmes, mais parce que l’argent coûte plus cher à emprunter et les règles du jeu économique changent brusquement. Par exemple, les annonces de postes en construction ont chuté de près de 40 % en un an, signe clair que la hausse des taux a coupé l’herbe sous le pied d’une industrie historiquement gourmande en capitaux.
Cette politique monétaire stricte a également freiné la croissance de la main-d’œuvre disponible, en renforçant indirectement des politiques migratoires restrictives et les effets des droits de douane. Ces décisions stratégiques ont rogné les marges des entreprises, comprimé les salaires et rafraîchi les ambitions d’embauche. En bref, la complexité du marché de l’emploi en 2025 se joue à plusieurs niveaux, et l’ombre de l’IA, bien que présente, n’est pas le seul facteur à retenir.
- Pic des offres en mars 2022 : coïncidence avec la première hausse des taux par la Fed
- Effet domino politique : hausse des taux + restriction migratoire + droits de douane
- Plus gros dégâts : construction, fabrication, énergie – fortement capitalistiques
- Conséquences : baisse des investissements, moins de recrutement
- La Fed ajuste en 2025 : baisse progressive des taux pour stimuler le marché de l’emploi
Les chiffres sur le terrain, vérifiés par plusieurs sources comme The AI Observer, montrent ainsi que le marché de l’emploi vécu une contraction surtout liée à des facteurs économiques structurels, bien avant que l’IA ne déploie son impact visible.

Le boom boursier : quand l’intelligence artificielle enflamme Wall Street
Sur le front boursier, la révolution poussée par ChatGPT et ses concurrents, notamment à travers des investissements massifs de Microsoft, Google, Amazon et même Tesla, a propulsé les géants technologiques vers des sommets. Selon JPMorgan, depuis la fin 2022, les actions liées à l’IA ont représenté plus de 75 % des gains du S&P 500, contribuant à une croissance colossale des capitalisations. Cette effervescence s’est concentrée sur une poignée de sociétés : Nvidia, Microsoft, Apple, Amazon, Alphabet et Meta mènent la danse.
Un paradoxe saisissant s’est installé : certains de ces mastodontes, comme Meta, ont annoncé des réductions de leurs effectifs tout en voyant leur cours de bourse grimper ! Meta, par exemple, a supprimé 3 600 emplois en début 2025, tout en continuant à injecter des milliards dans l’intelligence artificielle. Et c’est là une nuance essentielle : la croissance boursière ne reflète pas un emploi en hausse mais une anticipation féroce des profits futurs liés à l’IA.
Pour donner une idée concrète, ces entreprises représentent aujourd’hui près de 44 % de la capitalisation totale du S&P 500, avec une création de richesse estimée à environ 5 000 milliards de dollars pour les ménages américains sur une seule année. Ce phénomène d’enrichissement concentré accentue l’écart entre ceux qui surfent sur la vague technologique et les travailleurs dont l’emploi stagne ou décroît.
Ce phénomène alimente aussi des débats passionnés autour d’une bulle boursière similaire à celle des années 2000, surnommée à juste titre « Magnificent Seven » pour ces sept géants qui dominent de manière spectaculaire. Sam Altman, le PDG d’OpenAI, avertit même que cette euphorie massive autour de l’IA pourrait n’être qu’un excès de confiance sur une idée qui, bien qu’importante, n’explique pas tout.
Quelques points clés pour comprendre :
- AI stocks : 75 % des gains du S&P 500 depuis 2022
- Concentration extrême : 6-7 grandes entreprises représentent plus de 40 % de la capitalisation
- Réduction d’effectifs : paradoxalement accompagnée de valorisations boursières record
- Richesse créée : environ 5 000 Md$ pour les ménages US en un an
- Avertissements : risque de bulle spéculative similaire à la bulle Internet
Une belle leçon que rappelle aussi la montée en puissance de plateformes telles que les startups IA soutenues par des experts humains : la technologie révolutionne, certes, mais il ne faut pas oublier la taille de la bulle qui peut se former quand la hype dépasse la réalité industrielle.
Les secteurs d’emploi : pourquoi les plus exposés à l’IA ne voient pas la plus grande chute
Si l’intelligence artificielle devait être l’unique facteur derrière la chute des offres d’emploi, on s’attendrait à ce que les secteurs liés directement à la tech voient les diminutions les plus marquées. Or, les analyses sectorielles récentes, comme celle de Preston Mui d’Employ America, ne confirment pas cette hypothèse.
Le secteur de « l’information » — où travaillent les développeurs logiciels, les ingénieurs en IA et les autres profils tech — a vu le plus faible recul en termes d’offres d’emploi. Tandis que les pertes se concentrent sur des secteurs lourds en capitaux comme la construction, la fabrication et l’extraction énergétique, impactés par la hausse des coûts de financement et les restrictions liées au commerce international.
La dynamique des emplois s’explique en partie ainsi :
- Information : faible baisse des offres, signe d’une demande toujours élevée des talents en IA et informatique
- Construction : chute drastique à cause du coût du crédit et renouvellement tardif des projets
- Manufacturing : sous pression du côté import-export et tarifs douaniers
- Énergie : affecté par mutations réglementaires et contraintes économiques
Cette disparité illustre clairement que les baisses d’emploi sont davantage liées à des facteurs externes, en particulier financiers et réglementaires. Et cette réalité est essentielle pour mieux appréhender l’impact réel de l’IA sur le marché du travail. Ce n’est pas tant la technologie qui supprime les emplois, mais bien un ensemble complexe d’influences économiques.
En outre, des études comme celles présentées sur The AI Observer montrent que l’IA génère aussi des opportunités pour les profils qualifiés, avec des métiers émergents qui requièrent une expertise toujours plus poussée.

L’IA et les jeunes diplômés : un impact différencié sur l’emploi selon l’âge et la spécialisation
Des données récentes de Stanford mettent en lumière un phénomène inquiétant : depuis l’adoption massive des IA génératives, les jeunes travailleurs de 22 à 25 ans, surtout dans les professions les plus exposées à l’automatisation, subissent une baisse d’emploi relative de 13 %. Ce choc générationnel n’est pas anodin. Pendant ce temps, les professionnels plus expérimentés dans les mêmes secteurs et les travailleurs dans des domaines moins automatisables maintiennent ou augmentent leur présence sur le marché de l’emploi.
Ce contraste pourrait bousculer la manière dont les entreprises recrutent. Des plateformes telles que Recrutement.fr, Indeed France ou LinkedIn commencent à voir ces tendances s’installer, avec une préférence accrue pour des profils aguerris capables d’interagir avec les outils IA plutôt que pour des juniors encore en apprentissage.
Quelques observations clés :
- Jeunes très exposés : pertes d’emploi dans les métiers automatisables
- Professionnels expérimentés : stabilité ou croissance des emplois
- Chômage universitaire : hausse inhabituelle chez les diplômés fraîchement sortis
- Adaptation nécessaire : formations et nouvelles compétences en IA requis pour la relève
Pourtant, le Bureau of Labor Statistics projette une croissance rapide des emplois dans le secteur informatique et IA, estimant que les développeurs logiciels bénéficieront d’une hausse d’emploi de 17,9 % d’ici 2033. Cela confirme que l’IA ne tue pas forcément des emplois, mais transforme profondément leurs contours, renforçant la demande dans certains domaines au détriment d’autres.
On peut mesurer tout cela à travers des plateformes spécialisées dans la préparation aux métiers de demain, comme celles abordées dans l’article IA et menaces sur l’emploi des jeunes, qui incitent à un repositionnement rapide face aux attentes du marché.
Perspectives et pistes pour un marché du travail double : un défi pour la société et les politiques publiques
Le visage dual du marché du travail est désormais une évidence : d’un côté, l’économie dopée à l’IA, concentrée autour des grandes sociétés de la tech qui accumulent richesse et innovation ; de l’autre, un secteur « classique » ralenti, où l’embauche peine à repartir, sous la pression des taux d’intérêt et des tensions géopolitiques.
Cette fracture redéfinira le rapport des citoyens à l’emploi, aux formations, mais aussi aux politiques publiques. Comment soutenir ceux qui voient leurs chances fortement se réduire, tout en continuant à protéger et promouvoir la croissance technologique ? Les initiatives mêlant IA et emploi, comme détaillées dans l’accord emploi-IA, pourront être des pistes prometteuses.
Une série de mesures concrètes pourrait s’imposer :
- Programmes de formation et reconversion : intégrer l’IA dans l’apprentissage professionnel
- Adaptation des législations : encadrer le déploiement de l’IA pour protéger les travailleurs
- Stimulation économique ciblée : soutenir les secteurs impactés par la politique monétaire
- Promotion d’une innovation inclusive : garantir que les bénéfices de l’IA se diffusent à un plus large collectif
- Dialogue social renforcé : associer syndicats, entreprises et pouvoirs publics pour anticiper les transformations
À l’aube de cette décennie, comprendre les forces qui façonnent ce double visage du marché devient crucial. Tout ne repose pas sur ChatGPT ou autre logiciel d’IA ; la clé réside dans une lecture globale des mécanismes macroéconomiques et sociaux. La Banque de France s’intéresse de près à ce phénomène, rappelant que la politique monétaire a toujours une portée plus large que ce qu’on imagine en première lecture.







